Lean manufacturing et Industrie 5.0 : quels points communs ?
Le lean manufacturing est une méthode de gestion qui vise à optimiser les processus de production en réduisant toutes les sources de gaspillages. À ceux qui ne la connaissent pas, elle peut apparaître comme une méthode rigide de standardisation de l’organisation des postes de travail et de la gestion des flux. Elle est en fait bien plus que cela. Centrée sur l’humain à qui elle permet de contribuer et de grandir, elle est parfaitement compatible avec le concept d’Industrie 5.0, comme nous allons le voir dans cet article.
Du TPS à la pensée Lean (Lean Thinking)
Le Lean trouve son origine dans le modèle de « production maigre » prôné dans le système de production Toyota (TPS). Un modèle qui évoque déjà les gaspillages et la production en juste-à-temps, mais aussi l’importance de prendre l’avis des opérateurs dans le plan d’amélioration continue. Il est aujourd’hui bien plus que cela. Il est devenu un modèle d’excellence opérationnelle adopté aussi bien sur les chaînes de production que dans les sociétés de prestations de services. Son succès est dû notamment à sa capacité à mobiliser l’engagement des équipes, point central de la réussite des entreprises.
Qu’est-ce que la pensée Lean ?
La pensée Lean est finalement autant une philosophie, une culture, qu’une somme de principes, pratiques et outils que chacun, au sein de la communauté, peut s’approprier.
Son objectif est de donner à chacun les moyens d’améliorer l’efficacité et la qualité de son travail en se concentrant sur ce qui crée de la valeur pour le « client ». Et par client, on entend aussi bien l’acheteur/utilisateur final du produit, que toute personne située en aval dans la chaîne de production.
Les piliers de la pensée Lean
La maison lean est constituée des 5 piliers suivants :
- Satisfaction des collaborateurs
- Confiance mutuelle et stabilité
- Juste à temps
- Jidoka (automatisation avec une touche humaine)
- Satisfaction des clients
L’organisation Lean est toute entière tournée vers l’objectif de satisfaire pleinement ses clients. Pour leur livrer ce qu’ils attendent, dans la bonne qualité et quantité, au moment où ils le désirent, elle s’appuie sur une organisation des flux en juste à temps et une bonne répartition des tâches entre les hommes et les machines.
Les processus sont maintenus et améliorés par tous, car la satisfaction des collaborateurs et la confiance mutuelle sont des valeurs de base dans l’entreprise.
Muda, Mura, Muri : 3 « démons » à réduire absolument
Lorsque l’on évoque le Lean manufacturing ou le Lean thinking, on pense surtout à l’élimination des gaspillages, ou Muda. Muda qualifie tout ce qui n’apporte pas de valeur ajoutée au produit, tout ce qui fait perdre du temps, tout ce qui finit à la poubelle. Est aussi considéré comme un gaspillage, dans la philosophie Lean, le fait de ne pas utiliser les ressources intellectuelles du personnel.
Il existe également deux autres « démons » dont le Lean appelle à se défaire :
- Mura : l’excès, ou encore la surcharge de travail pour le personnel. Cette surcharge peut être due à des processus de fabrication mal adaptés, à un effectif trop réduit, ou à une capacité de production insuffisante.
- Muri : la variabilité. La variabilité d’un système de production est source de non-qualité. Elle peut venir des machines, des hommes ou de la supply chain.
Les conditions de travail au cœur du modèle Lean
La qualité des conditions de travail est un sujet récurrent du Lean. On le retrouve de manière explicite dans les piliers, avec la satisfaction des collaborateurs et le jidoka, comme dans la définition de Muda et Mura. Mais la qualité des conditions de travail est finalement présente partout dans le modèle car c’est elle qui permet de nourrir l’engagement, la qualité, l’innovation.
Les employés sont au coeur de la pensée Lean et du Lean manufacturing, et ce au moins depuis que le concept a été formalisé à la fin des années 80.
Les champions de la performance industrielle le savent : le succès passe par le développement des compétences de chaque employé, ainsi que par la capacité à résoudre les problèmes complexes de manière collective.
Sous le concept de jidoka, on trouve plusieurs outils pour aider les team leaders à améliorer les conditions de travail de leurs équipes.
Le jidoka, ou comment mettre l’automatisation au service de l’humain
Le jidoka est peut-être le plus vieux principe du lean. En effet, l’histoire raconte que Sakichi Toyoda, futur créateur de la Toyota Motor Company, l’a inventé pour son usine textile au travers d’un système permettant de stopper automatiquement la navette lorsque le fil venait à casser. Pourquoi cette idée ? Car il voulait arrêter ses métiers à tisser dès l’apparition d’un problème, pour ne pas générer de produit défectueux, sans pour autant devoir conserver un employé derrière chaque métier (non-valeur ajoutée, donc gaspillage).
Jidoka est traduit en anglais par autonomation (une contraction d’autonomy et automation). Le mot autonomation montre bien que l’idée est de développer des solutions d’automatisation à l’échelle du poste de travail, pour que l’opérateur gagne en autonomie dans la détection de problèmes.
Andon et Poka yoke : comment ces outils du jidoka ont-ils évolué ?
L’Andon est le moyen utilisé par un opérateur pour signaler un problème et demander de l’aide. Classiquement, l’alerte est donnée au moyen d’une colonne lumineuse associée à 3 couleurs : vert pour un statut OK, orange pour un défaut mineur, rouge pour un problème bloquant. L’alerte peut être activée manuellement ou par la machine. Aujourd’hui, les alertes peuvent être relayées sur des terminaux mobiles (smartphones ou tablettes) ce qui permet aux team leaders d’être informés même s’ils ne sont pas dans l’atelier. Les différents problèmes de la journée peuvent également être remontés automatiquement dans des tableaux digitaux d’amélioration continue, un vrai gain de temps pour la préparation des stand-up meetings du matin.
Le poka yoke, système anti-erreur ou détrompeur, est quant à lui un système qui va permettre d’empêcher les erreurs humaines, ou de les détecter dès qu’elles se produisent pour qu’elles puissent être corrigées immédiatement. Sur les postes d’assemblage, les poka yoke sont souvent des guides, des gabarits, des interrupteurs à activer pour valider une opération. Avec les outils connectés et les postes de travail connectés, les poka yoke sont à la fois plus fins (on peut détecter la valeur d’un couple de serrage par exemple) et plus faciles à mettre en œuvre. Cela allège encore la charge mentale de l’opérateur, surtout sur des gammes de fabrication qu’il découvre ou pratique peu souvent.
Le focus sur les conditions de travail est indispensable à la satisfaction des collaborateurs, il est donc naturel qu’il soit au cœur du modèle lean. On retrouve aussi ce thème dans le concept d’Industrie 5.0 tel qu’il a été énoncé en 2021 par la Commission Européenne.
Les piliers de l’Industrie 5.0 sont aussi ceux du Lean
L’Industrie 5.0 associe technologie et mission sociétale. Elle est au service de l’homme et de l’environnement et contribue à la prospérité. Elle s’appuie sur 3 piliers qui sont très fortement liés à des piliers du lean :
Priorité accordée à l’humain
Nous avons vu plus haut à quel point les collaborateurs sont au centre du modèle lean. Cette orientation était déjà reprise dans le concept d’Industrie 4.0, elle est réaffirmée dans celui d’Industrie 5.0. Ce n’est pas, et cela ne doit jamais être aux hommes de s’adapter à la technologie, mais à la technologie de s’adapter aux hommes. Aujourd’hui, la technologie permet de prendre soin de la santé et de la sécurité, d’alléger la charge mentale, de favoriser la montée en compétences. Elle offre à l’industrie la possibilité de se rendre plus attrayante et plus inclusive.
Économie de moyens et de ressources
Le lean traque les gaspillages partout où ils peuvent se produire. Un réflexe ô combien précieux dès lors que l’on veut aller vers toujours plus de sobriété dans ses processus, pour limiter les émissions de GES, préserver les ressources naturelles ou encore réduire les déchets.
L’économie de moyen est une vertu cardinale de l’industrie responsable.
Résilience
L’Industrie 5.0 met en avant un objectif de résilience face à des perturbations qui, à l’avenir, pourraient être de plus en plus fortes. La résilience, dans la culture lean, vient de la capacité à accueillir le changement, à définir rapidement les meilleures réponses à un problème donné et à les déployer dans toute l’organisation. Ici encore, les équipes aguerries au lean seront sans doute avantagées dans la transition vers le modèle Industrie 5.0.
La culture Lean est bien installée chez Bosch Rexroth, depuis des années. Elle nous a servi de support quand nous avons commencé à déployer nos premiers projets Industrie 4.0, il y a presque 10 ans maintenant. Elle continuera à être la base sur laquelle nous nous appuierons pour accompagner nos clients vers l’Industrie 5.0.